Quand on débute dans les dramas coréens, on est immergé par une foule
de thématiques et d’aspects propres à la culture de ce pays. Cette
deuxième partie d’analyse des dramas coréens vous propose humblement
d’en décoder et d’en approcher quelques uns, à commencer par le couple
et le statut de la femme et de l’homme.
Les relations sociales en Corée : un pays machiste ? Du confucianisme au pragmatisme…
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Le confucianisme (500 ans avant JC) puis le néo-confucianisme (14è
siècle) sont nés en Chine, pourtant ce courant philosophique a
particulièrement brillé en Corée du Sud, et figure encore aujourd’hui de
modèle dans les relations sociales. C’est un héritage davantage
transmis à travers les comportements au fil des générations qu’à travers
des lectures de texte. Et la société coréenne est en double mouvement
par rapport à ce néo-confucianisme dont elle n’a pas toujours conscience
: d’une part elle est fière de certaines valeurs qu’elle transporte,
d’autre part la place de plus en plus prenante des femmes dans la
société est en train de faire sauter un à un ces verrous, par
pragmatisme plutôt que par de longs débats.
Rappelons que le confucianisme institue la piété filiale, le modèle
de la famille patriarcale, avec le dévouement et le respect des jeunes
vis à vis des anciens. Vous avez sans doute remarqué dans les dramas
que les parents ont souvent une figure redoutable, et que rares sont
les fictions qui permettent aux tourtereaux de finir heureux sans
obtenir l’accord des parents (comme Secret Garden).
Autre scènes récurrentes, les enfants qui fuient ou évitent leurs
parents parce qu’ils veulent vivre leur vie, ou qui à l’inverse prennent
soin de leurs parents irresponsables (Marry me Mary).
Vous aurez aussi remarqué l’importance du respect dû à l’âge qui
s’insinue dans toutes les relations entre les personnages : quoi qu’il
se passe, un jeune doit respecter son aîné, même si celui-ci a tort. Les
dramas peuvent s’en amuser (Baby-faced beauty) ou en faire de véritables obstacles à franchir.
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Si dans la sphère publique la femme a un devoir de réserve (elle ne
contredira jamais quelqu’un et n’imposera pas non plus ses idées), il
s’agit surtout d’un jeu dans lequel personne n’est dupe. Une femme
volubile n’attire pas sur elle les regards des hommes, lesquels
considèrent la discrétion comme une forme d’intelligence. Tout est une
question d’apparence : les hommes cherchent à maintenir leur statut en
conservant la main mise sur la sphère publique, et en compensation
donnent tous les pouvoirs à leur femme dans la sphère intime. Au foyer,
la femme gère tout, et l’homme donne la totalité de son salaire à son
épouse qui gère comme elle veut cet argent. C’est encore elle qui
choisira le logement, les vacances, l’école pour les enfants, le montant
de l’épargne, sans en référer à son mari. Les apparences sont
trompeuses, y compris au moment des repas familiaux : si la femme sert
son mari, c’est aussi une façon d’imposer son choix. C’est elle qui va
décider ce que son mari va manger ou boire. Il ne s’agit pas non plus
d’une forme d’autoritarisme, mais plutôt de connaissance approfondie des
goûts de l’autre. Le mari ne discutera jamais les choix de son épouse.
Les femmes prennent le pouvoir par petites touches, et demandent
désormais à leurs compagnons de s’investir à la cuisine, et d’être plus
expressifs, plus tendres.
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En Corée, il n’y a pas d’individualisme mais le sentiment
d’appartenance à une communauté. Cette communauté passe avant. Et si la
femme travaille quotidiennement avec des hommes, souvent elle préfère
sortir entre femmes à la fin de la journée. Car là, elles ne sont plus
obligées d’être aussi attentives à leurs gestes. Cette liberté n’est
pourtant pas acquise avec la famille. Même les féministes coréennes qui
revendiquent leur indépendance ont du mal à l’assumer pleinement, du
fait du poids de la famille, de l’interventionnisme de la belle-mère ou
de leur mère poule. Être indépendante signifie sortir de la communauté
et se retrouver isolée. Pour être libre, au fond, la femme coréenne doit
ménager ses espaces et contourner le système avec intelligence.
Quelques faits peuvent accompagner cette réflexion. Il n’est guère
étonnant, au fond, de voir les divorces augmenter de manière
spectaculaire, car les mentalités des hommes n’arrivent pas à évoluer
aussi vite que les jeunes femmes. Plus de la moitié des femmes de 20 à
40 ans estiment que le divorce est nécessaire si elles ne sont pas
heureuses. Pour une femme sur 5 c’est même une option viable tant
qu’elles n’ont pas d’enfants. Ces taux sont largement supérieurs aux
réponses des hommes. Les causes de divorce sont majoritairement les
conflits entre époux (plus de la moitié des cas), suivis de problèmes
économiques, de l’infidélité du partenaire et enfin des conflits
familiaux. A noter que selon une récente étude sur l’infidélité, autre
tabou en Corée, 68 % des hommes et 12 % des femmes auraient des
relations sexuelles hors mariage.
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Qu’en est-il alors de la femme ?
Nous avons vu précédemment comment la jeune femme moderne était
présentée dans les fictions : combative, courageuse, et … innocente.
Cette candeur, naïveté dans les relations qui nous paraît parfois si
exagérée, s’explique avec quelques faits troublants. Tout d’abord, le
fait que la sexualisation de la femme n’existe qu’en surface. On se
moque souvent des héroïnes effrayées à l’idée de franchir le cap alors
qu’elles ont 30 ans révolues (la peur du baiser, les "réveils" aux côté
d’un homme, sont de grands classiques dans les fictions, comme dans My name is kim sam soon,
alors que l’héroïne est pourtant trentenaire). Et pourtant, il n’est
pas rare de voir les femmes n’avoir aucune idée de la chose. On comprend
mieux quand on lit que les publicités pour les contraceptifs ont eu du mal à être diffusées.
L’éducation sexuelle des femmes est en retard, et jusqu’à il y a peu il
était difficile d obtenir une information à destination des femmes sur
l’usage du préservatif en dehors de la protection envers le HIV. Les
hommes, en revanche, sont au fait des choses et ce sont eux qui parlent
ou choisissent la contraception.
Les mœurs évoluent : plus d’un homme sur 4 a eu des relations
sexuelles avant ses 18 ans (8 % pour les femmes). (Comparativement, un
français sur 4 a des relations sexuelles avant 16 ans). Mais la société
coréenne met toujours l’accent sur l’initiation sexuelle de la femme …
par son mari.
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Je n’aborderai pas ici la sexualisation de la femme dans la K-pop,
mais il est assez frappant de constater le décalage entre l’image d’un
clip et l’image d’un drama.
Pour terminer, une petite statistique sur la violence sexuelle faites
aux femmes : une coréenne sur 4 aurait été victime d’agression sexuelle
ou d’attouchements dans les transports en commun. Parfois, un simple
chiffre en dit long.
L’homme dans les dramas
Nous avions vu précédemment les caractères stéréotypés, l’arrogance
du héros, souvent… riche et séducteur. Notez bien que là aussi
l’arrogance a une base "culturelle". Beaucoup de femmes coréennes
interrogées sur leur perception des hommes coréens déclarent ainsi que
dans la vie les hommes leur semblent égoïstes et immatures. Bien que
dépendant de leurs mères et de leurs femmes (comme nous l’avons vu
précédemment), ils ne veulent cependant pas le montrer, par fierté. Et
ainsi, ils tenteraient, selon l’analyse féminine, de masquer cette
dépendance en contrôlant les femmes.
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Ah, Flower boys. Certains sociologues
avancent la thèse selon laquelle la métrosexualisation des héros est en
fait une réponse des femmes vis à vis de la société patriarcale. Ne
pouvant critiquer ouvertement l’emprise de l’homme, la femme coréenne
s’est mise à attaquer le modèle de l’homme "traditionnel", toujours
présenté comme solide jusqu’alors. Ainsi le héros masculin a ses tares :
que ce soit celui de Secret Garden, ou celui de You’re Beautiful,
par exemple ils cachent tous les deux une faiblesse. (On peut
d’ailleurs rapprocher cette tendance avec celle décrite plus haut, de
former un couple entre un homme jeune et une femme plus âgée, comme dans
The Manny où le héros prend soin de lui, fait du sport, fait craquer sa patronne plus âgée en plus d’être un excellent babysitter !).
Le terme Flower boys dérive bien sûr de certains types de mangas.
Mais cela traduit surtout une nette différenciation entre la culture
asiatique et la culture occidentale. Chez nous, la représentation du
mâle viril est celui d’un type musclé, bronzé, brun, si possible
poilu/mal rasé. La métrosexualisation se traduit essentiellement par
l’apparition d’hommes prenant soin de leurs visages, de leurs corps, ou
faisant particulièrement attention à la mode (on citera David Beckham
en exemple). En Asie, les traits masculins recherchés ne sont pas les
mêmes : d’une part parce que la pilosité naturelle n’est pas comparable,
mais aussi parce que la pâleur fait partie des critères de beauté. On
évite le soleil pour ne pas être un paysan, on se protège avec n’importe
quoi, un journal, un portefeuille.. Exit donc les séances de bronzage.
La Corée, qui a été une nation de paysans, ne veut plus voir ces visages
burinés par le soleil, elle veut montrer qu’elle est une société
moderne, avec des visages clairs, purs, des peaux lisses frottées avec
entrain sous l’eau. On ne craint que les UV (et les lunettes de soleil
sont davantage des accessoires de mode que des objets utiles car les
pupilles des coréens sont moins réactives au soleil). La chaleur, au
contraire, on la recherche brûlante.
De la même façon qu’il y a des critères de beauté pour les femmes (la
S-Line pour le profil du corps et la V-line pour la forme du visage de
face – un critère qui nous paraît ridicule à nous occidentaux), il y a
des critères de beauté pour l’homme, qui se doit non seulement de faire
attention à son corps via de multiples soins et pommades mais aussi
d’avoir une taille minimale. Un homme fort, c’est un homme grand. Et les
japonais sont méprisés pour leur petite taille. Le flower boy est donc
typiquement un jeune de grande taille (donc fort), riche (ce qui lui
permet de prendre soin de son corps), avec une peau de porcelaine, des
yeux ronds, et un sourire éclatant…
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Dans une troisième partie, nous parlerons des thèmes que je n’ai pas
encore pu aborder, comme la place faite aux étrangers et à
l’homosexualité dans les dramas, et certains autres aspects culturels
déjà aperçus dans de nombreuses fictions (comme la religion). Merci pour
tous vos commentaires, ce fut un travail particulièrement intense et
fatigant vu mon état de santé, mais ce fut une fois encore très
intéressant de mettre en lumière ce qui se laissait déjà deviner au fil
des dramas. J’espère vous écrire la suite la semaine prochaine si tout
va bien.
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